jeudi 9 décembre 2010

Capital et dette, ou dialogue sur le financement de La Poste, où on parle de Modigliani (Franco, pas Amedeo) et Miller (Merton, pas Marcus)

(dimanche 12 décembre) A la suite des réactions des auteurs de Mafeco, j'ajoute à mon billet du 9 une description de la façon dont il a été construit, qui semble ne pas avoir été évidente.

(§ ajouté le 12)
Pour construire ce petit dialogue, j'ai d'abord extrait des billets et des commentaires de Mafeco quelques phrases qui me semblaient faire problème, et j'en ai fait par simple copier-coller, la substance des répliques du personnage que j'ai appelé Edouard.
J'ai ensuite prêté au personnage que j'appelle Jean-Paul les arguments que je suppose tout praticien de l'économie aurait en réaction aux propos d'Edouard (le personnage...).
Pour assurer la continuité du dialogue, j'ai introduit dans les répliques d'Edouard quelques modifications de pure forme en m'appliquant à ne pas en altérer le sens.


Dans tout cela, il n'y a aucune attaque personnelle contre Jean-Edouard, mais une critique d'une pratique trop répandue de l'économie où les propriétés formelles des modèles sont trop rapidement considérées comme vraies pour la réalité qu'on a modélisée, ce qu'illustre à mon avis à merveille le "théorème" de Modigliani-Miller.
Pour alléger, j'ai supprimé mon commentaire en deux parties du 9 au soir. Les lecteurs qui voudraient vérifier la correspondance entre les propos du personnage Edouard et les textes publiés sur Mafeco n'auront je pense aucune peine à les retrouver.
(fin de l'ajout)



Une controverse assez vive m’a opposé à Jean-Edouard sur son blog Mafeco. Plutôt que de squatter son blog contre sa volonté dans le but de justifier mes interventions (que j’estime à la fois fondées et légitimes), je les développe ici sous forme d’un dialogue où je reprends les protagonistes du billet de Jean-Edouard, qui concerne au départ l’ouverture du capital de La Poste.

Les personnages :
Jean-Paul Bailly, président de La Poste (ou plutôt un clone),
Edouard Mafeco, brillant doctorant en économie et animateur d’un excellent blog.

Le décor : un salon d’un grand hôtel parisien. Le président de La Poste vient de donner une conférence où il a parlé de sa stratégie et notamment de son projet d’ouverture du capital. Dans le salon où est servi le cocktail, Edouard aborde Jean-Paul Bailly.


Edouard : Monsieur le Président, excusez-moi de vous poser cette question, mais pourquoi l’ouverture de capital serait-elle préférable à l’émission de dette ? Les travaux économiques les plus classiques permettent de conclure que l’ouverture du capital de La Poste n’a rien de nécessaire comme moyen de financer de nouveaux investissements.
Jean-Paul : Oui, bien sûr, mais ces différents moyens n’ont pas tous les mêmes conséquences. Dites-moi : que faites-vous dans la vie ?
E : Je suis ancien élève de l’Ecole Normale et je prépare un doctorat en microéconomie de la finance à l’Ecole d’Economie de Paris, où j’enseigne.
JP : Très bien, félicitations. Alors vous connaissez la différence entre le haut de bilan et le bas de bilan, et vous savez que la dette et le capital, ce n’est pas du tout la même chose.
E : Oui bien sûr, il y a une différence au niveau comptable, mais pas en termes économiques. Deux économistes ont obtenu le Prix Nobel d’Economie pour avoir démontré un des théorèmes fondamentaux de la finance d'entreprise moderne : la valeur d’un actif ne dépend pas de son mode de financement, résultat bien connu sous le nom de Théorème de Modigliani-Miller. Donc il devrait être totalement indifférent de se financer par émissions d’actions ou émission d’obligations. La majorité des économistes pensent même qu’il est plus économique de se financer par la dette, et ils le démontrent de façon rigoureuse.
JP : Ah, vous voulez parler de cette histoire d’effet de levier qui a été très à la mode chez les consultants il y a quelques années ? Si vous saviez le nombre d’entreprises qui ont fait faillite par insuffisance de fonds propres pour y avoir trop cru… De quand date ce prix Nobel ?
E : Franco Modigliani l’a eu en 1985 et Merton Miller en 1990, mais l’article de Modigliani était sorti en 1958 et celui de Miller qui généralise les conclusions de Modigliani en 1977.
JP : C’est bien ce que je craignais… J’ai bien peur que cette préférence pour la dette ait été pour quelque chose dans la bulle internet qui s’est gonflée dans les années 90 et a éclaté en 2000. Mais revenons à La Poste. Vous pensez vraiment que ce théorème s’applique à nous ?
E : Peut-être pas directement, parce qu’il est établi à partir d’un certain nombre d’hypothèses simplificatrices qui ne sont peut-être pas vérifiées dans votre cas. Mais relâcher chacune de ces hypothèses donne une nouvelle raison de privilégier la dette par rapport aux actions. Il me semble donc que vous devriez plutôt émettre des obligations.
JP : Ah bon ? Quelles sont donc ces hypothèses ?
E : La plus importante est que les marchés financiers sont efficaces : lorsqu’on vend les bénéfices futurs de La Poste on obtient en échange exactement ce qu’ils valent, ni plus ni moins. Une autre est qu’il n’y a pas de frottements, que les économistes appellent des coûts de transaction. Au début, Modigliani n’avait pas tenu compte de la fiscalité. Miller, lui, a montré par la suite que ce résultat reste vrai quand on tient compte de la fiscalité. Le raisonnement est le suivant :…
JP (l’interrompant) : je vous fais confiance pour le raisonnement. Moi ce qui m’intéresse c’est les hypothèses et les conclusions.
E : Quand même, je vous le résume : en gros, lorsqu’on ouvre le capital d’une entreprise, on vend une partie de ses bénéfices. Si elle ne fait pas de bénéfices personne ne voudra acheter d’actions, et dans le cas contraire ceux-ci permettent de se financer par dette. Donc actions ou dette, ça revient au même.
JP : Ce raisonnement suppose donc aussi qu’au moment où ils décident d’acheter des actions, les gens savent exactement les bénéfices que fera l’entreprise, ce qui n’est évidemment pas le cas. Ceux qui achètent espèrent qu’il y aura des bénéfices, d’autres estiment qu’il n’y en aura pas et s’abstiennent. La réalité, elle, ne sera connue que beaucoup plus tard.
La différence entre les deux, c’est justement ça : ceux qui achètent des actions prennent un pari et me font confiance pour le tenir. Ils n’achètent rien d’autre que mes promesses, et le droit de me virer si je ne les tiens pas. Ceux qui achètent des obligations achètent un revenu quasi-certain tant que la boîte ne fait pas faillite. Quand j’émets des obligations, je m’engage à verser à mes créanciers des intérêts à un taux fixé d’avance quels que soient mes résultats. Quand j’émets des actions, je ne m’engage qu’à une seule chose : convoquer les porteurs en assemblée générale une fois par an pour leur présenter mes résultats et décider de ce qu’on va faire des bénéfices, s’il y en a. Si l’entreprise n’a pas gagné d’argent, je ne leur donne rien ; si elle en gagné, ils pourront en recevoir une partie sous forme de dividendes après que l’Etat aura prélevé les impôts et que j’aurai mis de côté ce qu’il me faut pour financer mes nouveaux investissements. Et si par malheur la boîte faisait faillite, il faudrait quand même que je rembourse mes dettes envers les porteurs d’obligations alors que mes actionnaires perdraient leur capital. Ca n’est indifférent ni pour eux ni pour moi.
E : Mais quand même : Si les dividendes de 15.000 euros ne sont pas versés aujourd'hui c'est 15.000 euros plus les intérêts que l'entreprise aura à reverser en plus demain, ce qui augmente la valeur des actions que je peux revendre aujourd'hui d'un montant tel que je suis exactement indifférent entre voir l'entreprise verser des dividendes aujourd'hui ou demain.
JP : Oh là là ! Comme vous y allez ! D’abord les dividendes sont distribués chaque année à partir des bénéfices de l’année. Si je ne verse pas ces 15000 euros cette année, ça n’entraîne pas du tout que je dois les verser l’année prochaine. Deuxièmement, le fait que je ne verse pas de dividendes cette année peut faire penser que la boîte n’est pas si florissante que ça, et donc faire baisser le cours des actions au lieu de l’augmenter. Bien sûr, je vais dire que si je ne verse pas de dividendes, c’est pour investir afin de préparer un avenir radieux, mais personne n’est obligé de me croire (hélas !). Et même s’ils me croient, je peux me planter.
E : Soit. Mais la théorie économique est justement là pour montrer des choses qui semblent contre-intuitives et n’en sont pas moins vraies.
JP : Je suis désolé, mais vous ne me ferez jamais croire que me financer par la dette ou par l’ouverture du capital, c’est exactement équivalent. De toute façon, les décisions de financement font intervenir bien d’autres considérations beaucoup plus pertinentes et beaucoup plus importantes pour l’entreprise. Vous savez, la finance, c’est un art, pas une science.
E : Oui, mais les économistes sont justement là pour en faire une science ! Je suis bien d’accord avec vous : l’économie c’est très compliqué. Un modèle, ça n’est jamais exactement la réalité et il ne peut pas tout prendre en compte.. C’est pour ça que les économistes sont obligés d’appréhender la réalité à partir de modèles simplifiés, et ensuite de s’interroger sur les raisons qui font que ce modèle ne correspond pas fidèlement à la réalité. D’ailleurs, les physiciens et les autres scientifiques procèdent de la même façon.
JP : Là je vous suis. Je suis polytechnicien et donc mieux formé aux sciences dites « dures » qu’à l’économie. En physique par exemple, et je crois que c’est pareil en biologie, on commence par observer longuement et attentivement les phénomènes avant d’essayer de les expliquer. Bien sûr on est obligé de faire des hypothèses, notamment quand certains éléments d’explication nous manquent, mais on évite de faire des hypothèses trop manifestement contraires aux observations qu’on a pu faire. Et quand le raisonnement conduit à des conclusions incohérentes avec les observations, on ne présente pas ces conclusions comme des résultats applicables à la réalité, comme votre Modigliani et votre Miller ; on modifie les hypothèses jusqu’à ce que les résultats soient en accord avec les observations.
E : Mais c’est exactement ce que font les économistes…
JP : Je veux bien vous croire, mais vous partez de beaucoup trop loin pour nous. Votre modèle est encore trop éloigné de la réalité, et les différences trop grossières pour que cette démarche nous soit vraiment utile, à tel point que les praticiens de l’économie ne voient pas pourquoi ils perdraient leur temps à vous suivre.
Ce que vous redécouvrez progressivement, je le sais depuis longtemps. Je n’en comprends pas forcément toutes les raisons et les mécanismes sous-jacents, ni comment tous ces mécanismes se combinent dans des situations réelles. Nous autres pauvres gestionnaires aimerions bien pouvoir compter sur vous pour nous éclairer. Mais pour que nous vous écoutions, il faudrait que votre langage ne soit pas trop éloigné du nôtre, et que les questions que vous posez soient les nôtres. Donc, désolé, mais en attendant que votre démarche vous ait enfin conduits dans le monde où nous vivons tous les jours, nous continuerons à naviguer à l’estime.
Notre dialogue serait infiniment plus facile et constructif si vous acceptiez de partir de notre réalité quotidienne pour construire vos modèles, et non d’hypothèses qui sont pour nous non seulement arbitraires, mais aberrantes. C’est bien d’ailleurs ce que faisaient vos grands anciens, Adam Smith, Jean-Baptiste Say, non ? Je me demande combien de temps Messieurs Modigliani et Miller ont passé à observer sur le terrain comment les dirigeants d’entreprise et leurs directeurs financiers prennent leurs décisions de financement.
Et permettez-moi de vous poser une question : comment est-il possible qu’on donne un prix Nobel pour un « théorème » censé concerner la finance d’entreprise et qui est aussi manifestement contraire à la réalité vécue par les entreprises elles-mêmes ?
E : Parce que, même si ça n’est pas directement utilisable, c’est une étape importante dans le progrès des connaissances.
JP : … dans le progrès des connaissances de gens qui ne connaissent pas suffisamment la réalité des phénomènes qu’ils prétendent expliquer, peut-être. Mais pour ceux qui sont sur le terrain et qui agissent pour créer ces phénomènes, c’est plutôt risible. Et je dois dire qu’à la réflexion, je me pose des questions sur les membres du jury Nobel…
Maintenant excusez-moi, je dois vous quitter : je vois là-bas au buffet un gros investisseur que je voudrais bien convaincre d’entrer dans mon capital. Je vous laisse ma carte, au cas où vous voudriez continuer cette conversation avec mon directeur financier.

fin du dialogue

18 commentaires:

  1. Je valide "mon" avant-avant-dernière réplique comme pouvant correspondre à ce que j'ai dit, tout le reste non (et, non, je ne vais pas perdre mon temps à réexpliquer pourquoi, l'ayant déjà fait plus qu'amplement). Mais c'est joliment écrit, ça ferait un excellent scénario pour un spectacle de Guignol.

    Par ailleurs si vous vous imaginez que je donnerais du "Monsieur le Président" à Bailly, vous n'avez vraiment pas de leçon à donner à qui que ce soit en matière de prise en compte de la réalité.

    Plus sérieusement vous devriez ouvrir "le Vernimmen", manuel de finance d'entreprise dont tout "praticien" de la finance d'entreprise a un exemplaire sur son bureau et un autre sur sa table de chevet. Ce n'est notamment absolument pas un livre pour "académiques".

    Or bizarrement toute la section "Politique financière" non seulement est tout à fait compatible avec la recherche théorique en finance d'entreprise, mais en plus se réfère largement à Modigliani-Miller (on commence même par ça), à ses extensions via différentes frictions etc. C'est même plus que de la simple référence, c'est un cadre conceptuel. En revanche je n'ai pas vu de référence à la théorie autrichienne dans cette bible de la finance d'entreprise. Peut-être devriez-vous également mettre le nez dans le bureau d'un CFO ou d'un investment banker avant de décréter ce dont les gens se soucient en pratique et se dont ils ne se soucient pas ?

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  2. @J-E

    Lisez mieux : presque toutes les répliques que je prête à Edouard Mafeco sont des citations de vous dans la discussion sur votre blog à laquelle je fais référence (un peu arrangées pour le dialogue, mais dont je ne crois pas avoir dénaturé le sens - ou alors dites le moi).

    Des CFO, j'en ai fréquenté pas mal (sans vouloir la ramener, j'en ai même eu sous mes ordres et j'ai passé pas mal de temps dans leur bureau car j'étais adepte du "management by walking around"), mais le Vernimmen était sans doute trop récent pour qu'ils en parlent. Si vraiment ils l'ont sur leur bureau, ça serait intéressant de savoir ce qu'ils en utilisent et à quelles occasions. Moi, dans mon bureau, j'ai bien LE Samuelson et les livres de Bernard Maris et Jacques Généreux (et même quelques-uns de Frédéric Lordon). C'est pas pour ça que je crois ce qu'il y a dedans !

    Quant aux investment bankers, c'est un milieu que je connais aussi assez bien.

    Et je ne fais nulle part référence à la théorie autrichienne dans ce billet.

    Bref, ne me prêtez pas (encore une fois) une ignorance que vous ne pouvez pas vérifier. Moi j'évite (dans la mesure du possible) d'accuser mes interlocuteurs de ne pas savoir de quoi ils parlent. Je préfère discuter sur le fond.

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  3. Je suis désolé mais je ne peux pas non plus passer mes journées à vous expliquer ce que disent les économistes, ce que je dis moi, et les paroles de votre personnage, dont vous me prêtez la paternité. Le thème "Moi j'évite (dans la mesure du possible) d'accuser mes interlocuteurs de ne pas savoir de quoi ils parlent. Je préfère discuter sur le fond." me fait comme d'habitude rire jaune, et m'incite à quitter rapidement votre repaire.

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  4. Etonnant quand même!

    Mais puisqu'on en est là, je vais passer un peu de temps à mettre en correspondance les phrases de mon Edouard avec celles de J-E dans le débat précédent. On verra bien si j'ai déformé ses propos ou pas.

    Et pourquoi diable le fait de vouloir s'en tenir à une discussion sur le fond sans faire d'hypothèses défavorables sur ses interlocuteurs serait-il scandaleux ? Moi, ça me paraît la politesse la plus élémentaire. Mais bon, tant pis.

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  7. Je crois que vous ne comprenez pas bien ce que dit Jean-Édouard.
    Il ne dit pas que donner qu'il ne faut pas privatiser la poste.
    Il dit qu'à moins que la gestion de la poste ne soit pas la même si c'est un emprunt ou si c'est une ouverture du capital (or, M. Bouton se défend précisément de vouloir changer la gouvernance de la poste: il dit qu'il a juste besoin d'argent), le théorème de Modigliani-Miller dit qu'il est peu probable que choisir l'un ou l'autre financement soit différent pour le contribuable.

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  8. Si c'est vraiment ça que dit J-E, j'ai en effet mal compris.
    Mais peu importe, car je ne parle ni de privatisation, ni de gouvernance, ni de coût pour le contribuable, et encore moins de Daniel Bouton. Je prends simplement l'exemple du théorème de Modigliani-Miller pour parler du rapport (ici absent) entre la théorie économique et la réalité.

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  9. Remords (on a quelquefois tort de réagir trop vite car on passe à côté de l'essentiel)

    Le Théorème de M-M s'énonce : "la valeur d'un actif est indépendante de la façon dont cet actif est financé entre dettes et fonds propres".
    Cet énoncé suppose qu'il existe une grandeur définie de façon objective qui s'appelle "valeur d'un actif". Un bon autrichien comme moi aurait dû rappeler que cette hypothèse n'est pas satisfaite, parce que la valeur n'est pas un attribut du seul bien évalué mais un attribut de la relation entre un agent et un bien, et qu'il peut donc exister autant de définitions de la "valeur" que d'évaluateurs (sinon les négociations de mergers and acquisitions ne dureraient pas bien longtemps).

    Le théorème de M-M peut donc être vrai pour certains évaluateurs mais pas pour d'autres, à moins de pouvoir démontrer que, QUELLE QUE SOIT LA DEFINITION DE LA VALEUR D'UN ACTIF, elle est indépendante de la façon dont cet actif est financé.

    Or il est clair (et c'était le sens de mes interventions) qu'on peut identifier des évaluateurs pour qui cet énoncé n'est pas satisfait, ce qui suffit à invalider le théorème généralisé.

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  10. Si si, il y a un moyen de le vérifier:
    on regarde l'évolution du cours de bourse des actions à la suite d'annonce d'investissements. Si MM est vrai, le changement de la valeur des actions doit être la même, que ces investissements soit financés par une augmentation de capital ou par de la dette.
    Dans le cas de la poste d'une primo-introduction en bourse, il n'y aurait pas de moyen de vérifier, sauf à se référer au cas des précédentes privatisations.

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  11. Vous prenez une définition bien particulière de la valeur, à savoir le cours des actions en Bourse, qui est lui-même la résultante d'innombrables évaluations individuelles toutes différentes.

    Par exemple, il est clair que pour ceux qui en achètent, la valeur d'une action est supérieure à son cours, alors qu'elle est inférieure pour ceux qui vendent. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils achètent ou qu'ils vendent. Application pratique : pour l'entreprise qui émet des actions, celles-ci ont par définition une valeur inférieure à leur prix, et elle espère trouver des gens qui pensent exactement le contraire pour les acheter.

    Mais même avec votre définition, qui en vaut une autre, je serais curieux de savoir ce que donne ce test. Je parierais qu'il INVALIDE le théorème de M-M dans la grande majorité des cas. Beaucoup d'économistes répondront que ça n'a pas d'importance car "un modèle n'est pas la réalité". (autrement dit, l'économie n'est qu'un jeu...)

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  12. Je suis plutôt dans le sens d'élvin sur le fond, pour moi la valeur d'un actif peut-être indépendente de son mode de financement; faut voir ensuite les modes d'évaluation qui peuvent être retenues. Cependant, il y a des façons plus chère ou moins chère de se financer car gravite autour de l'entreprise une multitude de coûts qui seront différents dans les 2 cas et qui n'auront pas le même impact sur les acteurs qui chercheront à avoir une vision de l'extérieur.

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  13. @elvin:
    Je me demande bien ce que vous pouvez avoir comme autre définition de la valeur... (la valeur fondamentale?)
    Et effectivement, la possible existence d'un equity premium semble montrer le choix du mode de financement importe (et qu'en l'occurrence, l'endettement serait moins coûteux).

    Encore une fois, je ne vois pas ce que vous reprochez à ce théorème de Modigliani-Miller. Il dit une seule chose: ce n'est pas en raison de l'aversion au risque de l'épargnant qu'une entreprise émet une obligation ou une action.
    En effet, si la composition du passif ne convient pas à l'investisseur moyen, rien n'empêche une banque de proposer un produit composite (formé des différents titres émis par l'entreprise) qui se comportera exactement comme l'investisseur l'aurait souhaité.

    Si Modigliani-Miller n'est pas vérifié en pratique, c'est pour les raisons que JE a invoqué:
    _la fiscalité
    _le financement choisi a un impact sur la gestion de l'entreprise.

    JE mentionne deux impacts possibles:
    _Du fait de la possibilité d'une dissolution de l'entreprise, les dirigeants seront nettement plus attentifs à la rentabilité s'ils se financent par la dette. À ce chapitre, on peut noter que les physiocrates avaient déjà noté la supériorité du fermage sur le métayage, dont les propriétés sont très voisines des obligations et des actions.
    _Et contrairement à ce que vous dîtes, JE mentionne de façon très explicite le danger que peut représenter le surendettement pour une entreprise: si cette dernière subit un accident de parcours (par exemple, un rappel), elle peut être amenée à cesser ces activités du fait de sa mise en faillite, alors même qu'une continuation des activités aurait été plus rentable.


    Simplement JE dit que pour l'ensemble État-La Poste, il lui semble que l'on est très loin du seuil de surendettement et que par conséquent, compte-tenu de l'incertitude sur comportement de l'État et de la Poste après la privatisation, il est probable que les investisseurs demandent une forte prime lorsqu'on leur vendra des actions, plus importante que celle demandée pour des OATs classiques.

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  14. @jean
    Il faut savoir de quoi nous voulons parler.

    Au départ, j'ai réagi à une phrase bien précise de Jean-Edouard dans son commentaire du 29/11/2010 - 12:23 : "si les dividendes de 15.000 euros ne sont pas versés aujourd'hui c'est 15.000*(1+i) que l'entreprise aura à reverser en plus demain". J'ai dit que c'est faux et je le maintiens.

    Sur le théorème de Modigliani-Miller, je m'en tiens à sa formulation canonique que j'extrais du Vernimmen auquel J-E me renvoie : "dans un monde sans impôt, sans coût de transaction, la valeur de l'actif économique est indépendante de la façon dont cet actif économique est financé entre dettes et capitaux propres."
    Je dis que, en l'absence d'une définition utilisable du mot "valeur", cet énoncé est tout simplement dénué de sens. Ou dit autrement que selon la définition qu'un adopte pour "valeur", il est ou bien trivial ou carrément faux.

    Vous avez raison de dire que tout tourne autour du mot "valeur" et vous me demandez quelle "autre " définition je peux en avoir. Autre que quoi ? Quelle est la vôtre ? Si c'est la classique "la valeur actuelle des flux futurs espérés, actualisés au taux de rentabilité exigé par les investisseurs" (toujours Vernimmen...), elle bute sur le fait que ces flux, et d'ailleurs le taux de rentabilité, ne sont qu'"espérés" et donc entièrement subjectifs, chaque évaluateur utilisant les critères d'évaluation qui lui semblent (subjectivement) pertinents. Pour que le TMM ait un sens, il faudrait admettre l'existence d'une valeur objective des actifs.

    Je prends le TMM comme un exemple entre mille de la vacuité de tout un grand pan de l'économie orthodoxe contemporaine. Et ça me navre que des gens aussi intelligents et instruits que Jean-Edouard et Emmeline, et avec eux des milliers d'autres, gobent ces balivernes sans moufter et s'en font même les propagandistes et les défenseurs sourcilleux.

    Sur les autres interprétations du TMM que vous-même ou J-E proposez, ou sur votre interprétation des propos de J-E, je n'ai pas fait de commentaire et je ne souhaite pas en faire maintenant.

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  15. La valeur est sans nul doute un concept subjectif. Par contre, le fait que ce qui est versé en coupons ne l'est pas en dividendes est un fait totalement objectif, sur lequel est basé le théorème de Modigliani-Miller.
    (MM serait à rapprocher de principe de parité put-call. Ce principe ne signifie nullement que l'on sache évaluer une option et encore moins que le modèle de Black & Scholes soit vrai, mais je pense que vous conviendrez sans mal qu'il est vrai)


    Pour la phrase de JE, vous la sortez de son contexte et lui donnez un sens qui n'est pas le sien.
    JE dit que si les investisseurs acceptent d'acheter une action d'une entreprise ne versant pas immédiatement des dividendes, c'est qu'ils espèrent des dividendes plus gros à une date ultérieure.

    Vous avez compris que JE disait que si une entreprise subissait des pertes inattendues, elle devait (et pouvait?) les rattraper, ce qui est bien sûr aussi faux que de supposer que de penser que l'on puisse rattraper ses pertes au casino.

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  16. C'est drôle comme on arrive à ne pas se comprendre sur des phrases pourtant toutes simples !

    "le fait que ce qui est versé en coupons ne l'est pas en dividendes est un fait totalement objectif"
    aucune contestation là-dessus.

    "si les investisseurs acceptent d'acheter une action d'une entreprise ne versant pas immédiatement des dividendes, c'est qu'ils espèrent des dividendes plus gros à une date ultérieure."
    Ca c'est vrai. Mais ce que J-E a écrit, c'est très exactement (copier-coller) :
    "si les dividendes de 15.000 euros ne sont pas versés aujourd'hui c'est 15.000*(1+i) que l'entreprise aura à reverser en plus demain"
    ce qui, si je sais lire, veut bien dire que l'entreprise sera OBLIGEE de lui verser. Et ça, c'est faux.
    Et dire que c'est cette remarque incontestable et relativement anodine qui a déclenché tout ce tintouin !

    "Vous avez compris que JE disait que si une entreprise subissait des pertes inattendues, elle devait (et pouvait?) les rattraper"
    Pas du tout. Où avez-vous lu ça dans mes interventions ?

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  17. Bonsoir,
    Pour vous éclairer à tous et car je pense que cette notion de juste valeur est ambigue, je vais vous donner la définition que jen avais trouvé en 2010 dans le plan comptable général (soit la soit-disant doctrine de tout bon médecin d'entreprise à cette époque).
    Notion de juste valeur (définie par les normes IAS/IFRS) =montant pour lequel un actif devrait être échangé ou un actif éteint. Les ùesures reposent sur 4 méthodes (à voir en profondeur) : -cotation reconnue sur un marché organisé; calcul d'actualisation des cash flow (CF); modèle statistiques (données et hypothèses fiables); analyse comparative à partir dune évaluation d'actifs similaires. les avantages sont la prévisibilité, la comptabilisation globale de la valeur. Les inconvénients sont la volatilité, elle n'est ni objective ni neutre, la grande majorité des actfs ne sont pas côtés et n'ont pas de marché. Elle s'applique aux comptes consolidés : les actifs sont valorisés à la valeur de marché.
    A la différence de la valeur historique où les actifs seront comptabilisé dans les comptes à leur prix d'achat; même si la valeur de marché à entretemps évolué. Bref, de quoi laisser perplexe nombre d'amateur comptable. ce que je ne comprends pas est pourquoi ses valorisations restent perplexes, inconnue, voire iréelle lorsqu'elle restent les plus probable et proche de la réalité?

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  18. @Anonyme
    Vous illustrez ce que j'essaie de dire : que la notion de juste valeur n'a pas de sens économique, puisque aussi bien la méthode de calcul que les données de ce calcul sont affaire de choix subjectifs et d'évaluations subjectives. Donc les "théorèmes" qui la concernent n'ont pas non plus de sens.
    En comptabilité, c'est un peu différent, puisqu'il faut bien mettre des chiffres dans les cases. Là, on peut choisir une définition conventionnelle un peu arbitrairement, pourvu qu'on l'explique et qu'on garde la même d'un exercice comptable sur l'autre. Mais comptabilité et économie, ce n'est pas la même chose.

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