vendredi 4 décembre 2009

Encore une dose d'épistémo-méthodologie... et de mathématiques

Il me semble utile de résumer les positions autrichiennes (ou plutôt classico-autrichiennes, on va voir pourquoi) sur la nature et les méthodes de la discipline économique. Je précise à chaque fois quelques noms d'auteurs majeurs qui ont explicitement soutenu cette position  :
  1. Parmi les sciences, il faut distinguer entre sciences de la nature et sciences humaines. Les sciences de la nature étudient les relations causales où l’homme n’intervient pas ; les sciences humaines étudient les relations causales où l’homme intervient (Mill, Menger, Mises).
  2. parmi les sciences humaines, il faut distinguer entre disciplines historiques et disciplines théoriques. L’histoire est l’étude des faits particuliers ; la théorie est l’étude des lois générales qui gouvernent les faits particuliers. (Menger, Mises)
  3. Les distinctions 1 et 2 définissent simplement une division du travail de recherche de la connaissance : l’explication d’un fait particulier fait presque toujours appel à plusieurs disciplines théoriques. (Mises)
  4. dans les relations causales qu’étudient les disciplines théoriques en sciences humaines, le libre arbitre humain intervient toujours par définition, donc ces relations sont marquées d’une incertitude radicale. En particulier, les lois correspondantes ne peuvent pas prendre la forme d’égalités ; elles ne peuvent être que qualitatives. (Say, Mill, Senior, Cairnes, Menger, JN Keynes, Mises)
  5. Dans les sciences humaines, l’expérimentation contrôlée est impossible. On ne peut pas effectuer deux fois la même expérience dans les mêmes conditions. (Senior, Cairnes, Menger, JN Keynes, Mises).
  6. Dans les sciences humaines, l’être humain est non seulement l’observateur, mais aussi la chose élémentaire observée. Nous pouvons donc connaître avec certitude à notre propos un certain nombre de faits qui ont le statut d’axiomes irréfutables. (Say, Mill, Senior, Cairnes, Menger, JN Keynes, Mises).
  7. Il découle de 5 et de 6 que la méthode hypothético-déductive des sciences de la nature n’est pas applicable aux sciences humaines, et qu’en revanche la seule méthode correcte est la méthode axiomatico-déductive a priori. (dualisme méthodologique) ( Mill, Senior, Cairnes, Menger, Mises).
Pour aborder sur ces bases la question des mathématiques en économie , je pense qu’il faut introduire la distinction de Reichenbach entre contexte de découverte et contexte de justification. L’activité de découverte consiste à imaginer des énoncés qu’on a des raisons de considérer comme vrais ; l’activité de justification consiste à démontrer que ces énoncés sont bien vrais.
Si les lois économiques sont purement qualitatives, elles ne peuvent pas s’énoncer sous forme d’égalités ; réciproquement tout énoncé qui a la forme d’une égalité entre grandeurs économiques est nécessairement faux. Il en résulte que les mathématiques ne sont d’aucune utilité dans le contexte de justification (ou alors il faudrait des maths où on n’utilise jamais le signe =, mais uniquement les signes < et >). On ne peut pas démontrer une loi économique par un raisonnement mathématique. La seule procédure de justification possible est la déduction logique à partir des axiomes irréfutables de l’action humaine et des énoncés considérés comme vrais dans les autres disciplines.
En revanche, dans le contexte de découverte, tous les outils et toutes les techniques sont acceptables (Feyerabend), notamment la démarche inductive et toutes les formes de raisonnement mathématique. Mais il faut bien garder à l’esprit que les conclusions atteintes dans ce contexte ne constituent aucunement des preuves ou des démonstrations.
En particulier, tout énoncé incompatible avec les axiomes de l’action humaine, quel que soit le cheminement qui y a conduit, est a priori faux sans qu’il soit besoin de le soumettre à une procédure de justification.
Un modèle est la traduction formalisée d’une théorie, mais ne peut en aucune façon servir à démontrer cette théorie. Les résultats qu’il produit ne valent pas plus que la théorie qu’il incarne, et qui doit être justifiée (au sens de Reichenbach) indépendamment des résultats du ou des modèles qui l’utilisent.
Le danger des mathématiques en économie, c’est que leur prestige risque de faire passer pour vrais des énoncés qui sont faux justement parce qu’ils utilisent la formulation mathématique.

28 commentaires:

  1. Merci pour cette classification condensée, et avec toutes les références en prime!

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  2. Bonsoir

    Vous ne devriez pas réduire les "mathématiques" en économie à de petits tas d'équations. Leur propos est de produire des conclusions logiquement cohérentes avec leurs prémices, rien de plus, rien de moins.

    Quant à la "justification", je ne comprends pas. Que font donc les économètres qui étudient les données avec les méthodes de la statistique mathématique ? De la dentelle ?

    En mathématique, on appelle "axiome" les choses dont on convient de ne pas discuter (tenues pour "acquises" donc). Il s'agit bien entendu d'une référence "locale" au sens de conventionnelle. La géométrie euclidienne partira des axiomes d'Euclide, la géométrie non euclidienne d'autres axiomes (Lobachevski, Riemann). En ce sens, votre référence aux "axiomes" de l'action humaine suppose d'une part que l'on n'en discute pas (mais si on les tient pour "acquis" pourquoi se casser la tête à essayer de les étudier ?), et que d'autre part ils forment un corpus 'local' : rien n'interdit d'en imaginer d'autres, valables dans d'autres cultures ou d'autres époques par exemple.

    D'où vos références, plus philosophiques, voire religieuses, que réellement scientifiques, à la "nature humaine" ou au "libre arbitre". Ces références sont en fait des constructions élaborées, issues de l'histoire de la culture occidentale, et pas du tout des "axiomes" de départ qui devraient guider la réflexion sociologique ou économique. Bien entendu, on peut s'interroger avec profit sur leur émergence, leur place dans la culture et leurs liens avec l'histoire économique, à la manière d'un Max Weber dans sa réflexion sur l'éthique protestante.
    C'est ici que la raisonnement formel (ce que vous appelez le raisonnement mathématique) est utile en contexte de justification. Il serait effectivement impossible d'axiomatiser le libre arbitre. Normal, c'est un concept construit culturellement sans définition univoque "évidente". L'ascèse mathématique nous contraint alors à renoncer à l'invoquer en contexte de justification. En l'invoquant en effet, on pourrait justifier à peu près tout et son contraire. Par contre, entendu au sens restreint de "régime de responsabilité", on peut lui donner un équivalent formel, puis discuter de l'équivalent formel le plus adéquat pour le décrire. C'est cela la justification.

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  3. @amigues

    Je ne comprends absolument pas votre première remarque. Oui bien sûr, le propos des maths est de "produire des conclusions logiquement cohérentes avec leurs prémices, rien de plus, rien de moins". Mais pour ça, on met bien le système en équations et on résoud bien ces équations, non ?

    Les économètres : à mon sens, ils travaillent exclusivement dans le contexte de découverte. Le mieux qu'ils puissent faire, c'est d'identifier des corrélations qui peuvent suggérer des lois causales, mais ils n'ont aucun moyen de certifier que ces lois causales sont valides. Ca n'enlève rien à l'intérêt de leurs travaux, mais chacun son métier...

    Il y a une différence fondamentale entre les axiomes des maths et ce que j'appelle "axiomes" en économie. Dans les deux cas, ce sont les points de départ du raisonnement, qu'on ne discute pas. Mais alors que ceux des maths sont d'une certaine façon arbitraires, ceux de l'économie (autrichienne) sont des constats irréfutables portant sur les constituants élémentaires de l'économie que nous sommes.
    Je prends l'exemple du libre arbitre. Non, ce n'est pas une "construction élaborée, issue de l'histoire de la culture occidentale". Les hommes de Cro-Magnon prenaient des décisions en situation de choix et d'incertitude bien avant qu'Augustin d'Hippone écrive De libero arbitrio. Vous confondez, comme j'ai constaté que beaucoup d'économistes le font, la chose avec le concept de la chose (ce qui au passage rejoint la fameuse théorie de la "performativité"). Les choses, dont la nature humaine, sont ce qu'elles sont bien avant que des penseurs les nomment et commencent à y réfléchir.

    Bien sûr, rien n'interdit de construire des théories reposant sur d'autres axiomes, mais reste à voir à quelle réalité ces théories s'appliquent. Par exemple, on peut construire des théories de sociétés où les agents élémentaires ne sont pas doués de libre arbitre, mais il s'agit alors de sociétés de robots et non de sociétés humaines.

    Enfin, oui, le contexte de justification exige un raisonnement formel. Mais le propre (ou le drame) de l'économie, c'est qu'il faut choisir comme vous le dites entre deux voies:
    - la premiére, adopter la formalisation mathématique et pour cela renoncer à parler des sociétés humaines,
    - la deuxième,conserver les axiomes constitutifs de l'action humaine et donc renoncer à la formalisation mathématique et se contenter de la logique.
    En gros, le "mainstream" a choisi la première voie, les classiques avaient choisi la deuxième, sur laquelle les autrichiens sont restés (et moi aussi).

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  4. Euh, manifestement mon commentaire a eu quelques problèmes. C'était juste pour faire remarquer qu'une théorie du signe inférieur contiendrait la théorie du signe égal.
    (Le commantaire était en fait:
    (non (a inférieur à b) et (non a supérieur à b)) implique (a égal b)

    Ou pour plagier approximativement Rutherford, le quantitatif n'est rien d'autre que du très bon qualitatif.

    De manière générale, aucune science ne peut se permettre réellement de mettre réellement des signes égal voire même inférieur autrement que par des truismes. (Un exemple d'égalité absolument intangible puisque découlant de règles comptables: l'égalité investissement-épargne).

    Pour ce qui est de l'objection 6, un remède très partiel est d'imposer que les théories économiques ne soient pas auto-destructrices (ex: courbe de Phillips) et donc soient compatibles dans un certains sens avec des anticipations rationnelles.

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    1. Pas sûr que ce soit le cas avec un ordre partiel (dans un espace à au moins deux dimensions par exemple), voire pire, une préférence (rationnelle ou non) sur un espace topologique, ce qui est d'ailleurs le cas en théorie des jeux à la Von Niewmann Morgenstern.

      Héhéhéhé!

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  5. @fred

    Il ne s'agit pas ici de faire la théorie des signes ou de les définir, mais de savoir dans quelle mesure on a le droit de les utiliser

    "aucune science ne peut se permettre réellement de mettre réellement des signes égal"
    d'accord, mais c'est une question de degré : en physique, l'erreur est faible ; en économie, elle est considérable. Et les égalités comptables ne sont pas des lois causales.

    sur l'"objection 6" (qui n'est nullement une objection), "remède" à quoi ? C'est au contraire une supériorité des sciences humaines.

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  6. Effectivement, j'ai mal lu le point 6, avec lequel je suis en désaccord complet, ainsi qu'avec le point 7.

    Le fait que nous soyons nous-mêmes l'objet d'étude ne nous apporte pas plus de certitudes qu'en sciences physiques (nous sommes constitués d'atomes après tout... Nous nous étudions donc nous-mêmes en faisant de la physique...) et apporte au contraire certaines des difficultés dont j'ai parlées. Cette illusion de certitude, ne date pas des auteurs que vous citez: le phantasme du rationalisme auto-suffisant n'est pas neuf (Descartes, Hegel, Marx...). Vous vous contentez de le restreindre à la sphère humaine.

    D'ailleurs, vous seriez bien en peine de me citer une certitude sur l'être humain qui soit à la fois largement acceptée et qui ne soit pas du genre le bleu est bleu.

    Sinon, je ne connais qu'une façon d'être axiomatico-déductif à un niveau un tant soit peu élaboré: c'est de faire des mathématiques.

    En refusant à la fois les mathématiques et l'empirisme, vous transformez les sciences humaines en une série de dogmes. À partir de là, l'économie autrichienne ne saurait avoir que des disciples.

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  7. Jean (ou fred ?) dit "vous seriez bien en peine de me citer une certitude sur l'être humain qui soit à la fois largement acceptée et qui ne soit pas du genre le bleu est bleu."

    En plus de ""cogito, ergo sum" :
    - les êtres humains sont conscients
    - les êtres humains se fixent des buts et choisissent des moyens pour les atteindre (axiome de l'action)
    - les êtres humains jouissent d'une certaine liberté dans leur propre comportement
    - etc, etc.
    Nous savons tout ça par expérience directe de nous_mêmes, et c'est irréfutable parce qu'on ne pourrait le réfuter qu'en l'affirmant (contradiction performative, comme de dire "je ne sais pas parler").

    Au niveau macroscopique qui est le nôtre, nous sommes dotés de propriétés que ne possèdent pas les atomes qui nous constituent (de la même façon que la Tour Eiffel ne se résume pas à un tas de morceaux de fer).

    Les positions que je présente ne sont pas seulement les miennes, mais aussi celles des auteurs que je cite, et dont la plupart sont bien antérieurs à l'école autrichienne. Merci d'y ajouter Descartes, Hegel et Marx (mais là, je ne suis pas sûr d'être d'accord...)

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  8. c'était bien fred qui a fait une erreur avec la complétion automatique sur son navigateur.

    Pour Marx, je ne suis pas sûr. Mais compte-tenu du fait que Hegel est son inspirateur direct...

    Le rationnalisme pur a été très sérieusement attaqué par Emmanuel Kant (même si ce dernier a continué d'être tenté par ce genre de choses), puis par Nietsche.
    Le problème des énoncés que vous avez sélectionnés est qu'ils n'ont pas un sens préis.
    Pour ce qui est de la liberté de comportement, cette question s'est par exemple heurtée au théories déterministes.

    Pour ce qui est de l'axiome de l'action, on peut aussi remarquer les humains agissent parfois sans qu'ils aient réellement un plan.

    Regardons maintenant les 4 lois économiques que vous avez mentionné dans un autre commentaire:
    _loi de Menger: il est contestable que l'échange augmente toujours la satisfaction des participants: ils peuvent se tromper dans l'évaluation des termes de l'échange par exemple.
    _loi de Say: cette loi est tellement peu claire que la version que l'on en a initialement retenue est fausse puisqu'on peut avoir temporairement une surproduction généralisée (chose dont Say avait convenu semble-t-il). J'admets ne pas bien comprendre la vôtre si ce n'est que lorsqu'on achète quelque chose dans un magasin, il faut payer le prix affiché. Ma version est que si les gens en ont assez d'acheter, ils prendront plus de vacances et la surproduction sera résorbée de cette façon.
    _loi d'association de Ricardo: Imaginons que les coûts de transaction soient totalement prohibitifs (ex: plusieurs milliers de kilomètres d'acheminement). À ce moment-là, il n'est pas intéressant d'échanger.
    _loi d'utilité décroissante: elle suppose qu'il y a une hiérarchie dans les besoins qui seraient satisfaits dans un ordre précis. Or, il y a bien entendu des effets de substitution. Si la nourriture manque cruellement, je vais manger du rutabaga. En revanche, si elle abondante, je ne mangerais plus du tout de rutabagas.
    Si ces lois sont effectivement vraies la plupart du temps, je ne crois pas que l'on puisse dire qu'elles sont vraies dans l'absolu.

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  9. @fred
    "Le problème des énoncés que vous avez sélectionnés est qu'ils n'ont pas un sens préis."
    C'est déjà pas mal (et on pourrait en effet peut-être les exprimer de façon plus précise). Que voudriez-vous de mieux ?

    "Pour ce qui est de la liberté de comportement, cette question s'est par exemple heurtée au théories déterministes."
    Oui, je sais. Et vous êtes libre de croire que vous n'êtes pas libre. (Bel exemple de contradiction performative)

    "on peut aussi remarquer les humains agissent parfois sans qu'ils aient réellement un plan."
    Oui, et alors ?

    loi de Menger : OK, j'aurais du ajouter "dans leur esprit au moment de l'échange".

    loi de Say : la formulation de Say me semble parfaitement claire (« l’achat d’un produit ne peut être fait qu’avec la valeur d’un autre ») et je me demande toujours pourquoi tant de gens qui savent pourtant lire ont essayé de lui faire dire autre chose, en général pour dire que cet autre chose est faux !

    loi de Ricardo : OK, c'est en effet la moins générale des quatre.

    loi d'utilité décroissante : nous ne pouvons faire qu'une seule chose à la fois, et parmi toutes les possibilités d'action à un instant donné, nous commençons par celle qui nous semble la plus "utile" (je dirais la plus désirée). C'est cet acte de choix qui révèle (dirait Samuelson) ou qui établit (dirait Mises) cette hiérarchie entre les "besoins" (les désirs dirait elvin).

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  10. Le fait que les énoncés ne soient pas précis ruinent leur caractère certain. À partir du moment où ils sont flous, on peut leur faire dire à peu près n'importe quoi et donc qualifier de certain à peu près n'importe quoi.

    (Maintenant, comme les sceptiques l'avaient justement remarqué en leur temps, on ne saurait être certain qu'il n'y a pas de certitudes ;) )

    Toujours pour votre version de la loi de Say, elle me paraît tautologique (si j'achète quelque chose 10 euros, je vais le payer 10 euros). Est-ce que c'est l'identité comptable entre la valeur que reçoive les acheteurs et la somme que perçoivent les vendeurs?

    Pour l'existence d'une hiérarchie des besoins, le problème est que dans certaines conditions, les gens avaient un comportement incohérent avec l'existence d'une telle hiérarchie. (effet dotation, incohérence entre le moyen terme et le long terme par ex.)

    "on peut aussi remarquer les humains agissent parfois sans qu'ils aient réellement un plan."
    Oui, et alors ?: J'ai abusivement cru que votre énoncé sous-entendait que les humains avait toujours un plan.

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  11. Sur la loi de Say, vous oubliez deux mots essentiels : la valeur d'un autre. (Rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul ; des commentateurs célèbres ont fait la même erreur).

    prenons la même phrase en changeant les variables :
    "le creusement d'un trou ne peut être fait qu'avec une pelle" signifie sans ambigüité "pour creuser un trou, il faut avoir une pelle". Donc la phrase de Say signifie exactement "pour acheter un produit, il faut avoir la valeur d'un autre", ce que je traduis par "pour acheter un produit, il faut en avoir vendu un autre".
    Rien à voir avec votre "identité comptable" ni avec l'idée bien évidemment fausse que "toute offre crée sa propre demande".

    Sur la hiérarchie des besoins, je ne postule nullement que cette hiérarchie est invariante dans le temps. Elle se révèle et peut être différente à chaque décision, mais chaque fois c'est bien la chose que nous désirons le plus que nous faisons.

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  12. Sur la loi de Say, on peut aussi avoir promis de donner un produit à une date ultérieure.

    Saut que si cette hiérarchie n'est pas un minimum stable dans le temps, elle est inobservable.

    Enfin, ces points sont des détails dont le but est d'illustrer le fait que les certitudes que vous mentionnez n'en sont pas ou alors dans un sens très approximatif et que donc l'économie ne peut se passer d'un substrat empirique et par moment de modèles certes faux mais cohérents.
    Là où en revanche je vous rejoins est qu'il n'est pas possible de dériver une loi économique en observant des corrélations. Tout au plus peut-on les réfuter.

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  13. @fred
    Il me semble que nous convergeons. Je suis d'accord avec vos deux dernières remarques sur la loi de Say et la hiérarchie des besoins, et aussi avec le fait que "l'économie ne peut se passer d'un substrat empirique". J'ajoute simplement que ce substrat empirique doit commencer par la connaissance que nous avons de nous-mêmes êtres humains en tant qu'agents élémentaires des phénomènes que l'économie cherche à comprendre, et ce quel que soit le degré de précision de cette connaissance.

    Savoir si cette connaissance est assez précise, assez certaine et assez complète pour qu'on puisse aller loin dans la construction d'une théorie économique à partir de cette seule base est une question qui fait débat à l'intérieur même de la tradition autrichienne. Mais a minima la théorie économique ne devrait pas reposer sur des hypothèses incohérentes avec cette connaissance basique de nous-mêmes, quelque imparfaite qu'elle soit.
    Par exemple, il devrait être clair pour tout économiste que le modèle de l'homo economicus néoclassique n'est qu'une béquille du raisonnement dont il vaudrait mieux se passer, justement parce qu'il est contradictoire avec le substrat empirique. Et que donc toute théorie qui s'en passe et utilise une représentation plus réaliste est a priori supérieure, même si l'enchaînement des raisonnements y est moins rigoureuse.

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  14. Bonjour

    L'intérêt d'une loi est de produire un résumé synthétique ayant une certaine portée opératoire. Sachant que P=U I, que U est à peu près 220 V alors que le fusible sur mon circuit déclenche à 10 A, je peux en déduire la puissance maximale que les appareils électriques branchés sur ce circuit ne devraient pas dépasser.
    Un physicien objecterait qu'en fait les choses sont un petit peu plus compliquées que cela mais que si le but de l'exercice est de se donner une marge de sécurité approchée, le raisonnement est OK.

    Peut-on aborder de même des "lois" comme celles de Say ou de Menger ? Supposons que je cherche à connaître l'impact de la suppression de la prime à la casse sur les ventes de voitures neuves en France en 2010. Nous sommes là dans du concret il me semble et bien loin de l'homo oeconomicus néo-classique.

    Le calcul a été fait (par des économistes néo-classiques) et conclut à des chutes de 40 à 50 % par rapport à cette année (au niveau très élevé comme on le sait). Pour parvenir à établir ce chiffre se sert-on des 'lois' de Say et de Menger ? Dans un certain sens oui, dans la mesure où le calcul n'y contrevient pas mais en fait non, car ces 'lois' ne permettraient en aucun cas de produire de tels chiffres. Elles n'ont de fait aucune portée opératoire.

    Le calcul se base sur la composition par âges du parc automobile actuel, sur l'historique des taux de renouvellement, les fonctions de demande estimées par segment de marché et tient compte des éventuelles opérations commerciales des concessionnaires en termes de rabais destinés à compenser peu ou prou la baisse de la prime.

    L'essentiel de l'incertitude sur les ventes de l'année prochaine vient d'ailleurs de là. Les concessionnaires savent que de toute manière le renouvellement est fait et que consentir des rabais n'aura que peu d'effets sur le consommateur. D'autre part, le rajeunissement du parc entraînera une chute du chiffre d'affaires en réparations, et l'on sait que c'est cette activité qui est la plus juteuse pour les concessionnaires, bien davantage que la vente de véhicules elle-même. Pourquoi mettre en péril sa trésorerie en courant après l'acheteur de voitures neuves alors qu'on va être confronté à des difficultés sur son activité garage ? Selon les modèles de comportement adoptés pour représenter le calcul des vendeurs, on aura des chiffres différents, et donc une marge d'erreur somme toute raisonnable. En quoi a t-on besoin pour comprendre et mesurer tout cela des lois de Say ou autres ?

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  15. @amigues

    Je n'ai aucun problème avec ce que vous dites, qui pour moi relève de ce que j'appelle "l'économique appliquée" alors que mes réflexions ci-dessus concernent ce que j'appelle "l'économique fondamentale".

    J'essaie d'expliquer la distinction que je fais entre les deux, et leurs relations, (et quelques autres sujets dont j'ai déjà parlé ici et ailleurs) dans cet article :
    http://gdrean.perso.sfr.fr/articles/roles%20eco.html

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  16. J'aime bien votre défense de l'économie et la rigueur rhétorique de votre exposé. Comme je vous l'avais déjà dit, j'ai toujours eu des problèmes avec une économie 'des principes' comme il a pu exister par le passé une physique 'des principes'. Déformation intellectuelle 'mainstream' probablement. Mes remarques (des critiques usuelles mises sous une forme 'légère') n'avaient pas pour prétention de vous convaincre mais de vous attirer au delà de la sphère des principes pour en évoquer les implications pratiques dans la réalité économique.

    Bonne journée à vous

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  17. "Les économètres : à mon sens, ils travaillent exclusivement dans le contexte de découverte. Le mieux qu'ils puissent faire, c'est d'identifier des corrélations qui peuvent suggérer des lois causales, mais ils n'ont aucun moyen de certifier que ces lois causales sont valides."

    C'est le principe même de toute démarche empirique. On ne peut jamais prouver que quelque chose est vrai, peu importe dans quel domaine. On peut juste dire qu'une théorie n'a jamais été réfutée. La démarche des économètres vise à compenser l'absence d'expérimentation possible en économie et permet de tester les théories (il y a d'ailleurs maintenant plus d'articles empiriques que d'articles théoriques dans l'économie mainstream : http://quedisentleseconomistes.blogspot.com/2009/08/une-preuve-empirique-de-la-revolution.html). Du coup, le critère de Popper est parfaitement applicable.

    Et si une loi est vraie à un moment/dans un lieu et pas à/dans un autre ? Il faut alors identifier ce qui distingue les lieux/époques et proposer une nouvelle théorie plus générale, c'est comme ça que la science progresse, par généralisations successives.

    D'autre part, votre conception de la démarche de l'économie me semble très étrange. Si, d'après vous, il ne faut poser comme hypothèses de départ que des vérités irréfutables, on ne va pas aller bien loin ! Si par exemple, vous supposez que l'homme est doué du libre-arbitre, vous ne pouvez plus rien dire sur l'action humaine puisque par définition le libre-arbitre pourra toujours faire mentir quelque énoncé que ce soit sur l'action humaine !

    Que penseriez-vous d'une théorie fondée sur des axiomes faux mais qui fournit des prédictions correctes ? Je pense au hasard à la loi de l'offre et de la demande qui fournit bon nombre de relations qualitatives et quantitative sur l'offre, la demande et le prix. Les constructions de la courbe d'offre et de la courbe de demande sont pourtant complètement irréalistes si on regarde les hypothèses.

    Plus à cette adresse : http://quedisentleseconomistes.blogspot.com/2010/01/pourquoi-les-economistes-utilisent-ils.html

    Pour finir, je n'ai rien compris à votre refus de l'usage des mathématiques. Le fait d'utiliser les mathématiques ou non ne présage rien de la justesse des hypothèses utilisées. A peu près n'importe quel raisonnement peut être écrit sous forme mathématique.

    La critique selon laquelle les modèles mathématiques ne représentent que des "robots" est facile à contourner : à chaque équation de comportement on ajoute une variable aléatoire et pouf vous avez du libre-arbitre :-) c'est exactement ce que font les économètres. Le fait qu'il y ait une infinité de causes à l'action humaine n'est pas un problème insurmontable.

    Le tout est d'identifier les causes principales et de réduire au minimum l'ensemble des causes non identifiées (d'ailleurs, comment voulez-vous faire de l'économie autrement ?).

    Je pense que toutes mes questions sont le résultat d'une mauvaise compréhension de la démarche que vous proposez. Je serai ravi d'avoir des éclaircissements.

    Cordialement.

    Yannick, pauvre économiste mainstream :-)

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  18. Je suis fasciné par la théorie autrichienne et surtout par sa méthode praxéologique. J,aime bien le fait que vous partiez d'axiomes a priori incontestables pour en dériver logiquement les théorèmes de l'analyse économique. En particulier, à la différence de YB, je crois que vous postulez le libre-arbitre seulement comme un terme générique pour désigner le fait bien banal que nous faisons des choix(et non que nous déterminons nos choix consciemment) entre divers états du monde possibles pour nous. Enfin bref, tout ça pour en arriver à mes objections, qui concernent les thèses autrichiennes sur lesquelles je bute:

    -Je ne comprends pas votre refus absolu des méthodes inductives(expérimentales, statistiques, historiques) en contexte de justification.

    D'accord le recours aux axiomes peut s'avérer une source sure d'information et nous aider à débusquer des failles dans des raisonnements de type inductif. Mais qu'est-ce qu'on fait quand il n'y a rien à dériver des axiomes dans un cas particulier que nous considérons? Pouvons nous intégrer des hypothèses non décidables selon l'action humaine dans notre réflexion sur la causalité d'un phénomène? Lorsque par exemple nous devons faire des hypothèses sur l'information dont dispose un individu sur les prix en vigueur sur le marché pour comprendre son comportement dans la négociation, nous devons nous pas disposer d'une méthode qui nous permette d'affirmer que ladite hypothèse soit raisonnable? Et cette méthode ne peut être axiomatico-déductive. Comme le suggère YB plus haut, le critère poppérien pourrait s'appliquer parfaitement à ce type de situation qui ne se laisse pas lier logiquement à des connaissances élémentaires: nous n'avons qu'à déduire des propriétés testables de la théorie que nous formons. Dans votre article vous semblez croire qu'il y a impasse à ce sujet et qu'il n'est pas possible en économie de tester les prédictions parce que l'expérimentation n'y est pas permise. Oui, il est peut-être vrai que les méthodes expérimentales ne sont pas les plus appropriées pour étudier les interactions humaines, mais il y a d'autres méthodes (par ailleurs très sophistiquées) pour tester des prédictions(l'analyse multivariée par ex. peut nous aider à mettre de l'ordre dans le problème de causalité multiple). Pourquoi se priver de ces méthodes en contexte de justification, pour comparer des théories? D'accord les résultats obtenus avec la méthode inductive sont moins fiables que les résultats obtenus avec la méthode axiomatique, et on peut être sceptique quant à leur application au domaine politique(c'est mon cas), mais pourquoi nous astreindre à une connaissance élémentaire d'un phénomène étudié quand on peut pousser plus loin la réflexion? En astronomie non plus l'expérimentation controlée est plutôt difficile, et pour autant on ne s'empêche pas d'explorer et de comparer et justifier des théories.

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  19. -Ensuite, je comprends que dans certains cas, le recours à des méthodes mathématiques nécessite le recours à des hypothèses supplémentaires(auquel cas nous pouvons les expliciter, et évaluer dans quelle mesure nous celles-ci affectent la validité de notre démarche). Mais pourquoi refusez vous d'utiliser les maths en contexte de justification quand celles ci nous modifient pas le discours, mais ne font que le clarifier et le simplifier(comme YB le dit, beaucoup de propositions du language naturel sont formulables en termes de symboles mathématiques).

    -Finalement, vous dites fréquemment, avec raison, que votre méthode consiste à isoler une cause et son effet abstraitement et à raisonner sur ceux-ci en termes de ceteris paribus. Mais quand vient le temps d'évaluer l'efficacité de cette méthode pour étudier des phénomènes du monde réel, vous n'êtes pas très convaincants. En gros, lorsque vous vous avancez sur ce terrain votre rhétorique ressemble à un faux-fuyant pour tenter d'éluder le problème du temps et de la causalité multiple qui se posent à l'analyse de type partiel. Même lorsque votre analyse concerne l'analyse rétrospective des phénomènes, le problème se pose. Il y a des outils disponibles pour le solutionner(en partie, mais ça progresse) mais vous refusez à les utiliser(les équations multiples sont un ex. classique).

    Je crois que pour cette raison vous n'aurez pas souvent d'explications convaincantes d'un phénomène particulier, juste une série de théorèmes qui abstraitement sont vrais, et qui ne sont pas par ailleurs sans intérêt, mais qui ne peuvent permettre d'identifier les causes et les effets dans un cas particulier(qui implique d'abord une multitude d'autres phénomènes que ceux qui sont rattachables à des phénomènes élémentaires vrais a priori et ensuite une pluralité de causes qui, agissant en même temps, et selon une séquence aléatoire, peuvent avoir un tout autre effet que celui qu'on attend en analyse partielle(et là le concept d'équilibre me semble plutôt utile)).

    Voilà, c'est tout, c'était mes modestes critiques de l'économie autrichienne.

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  20. D'abord, merci à mes interlocuteurs, dont les objections m’aident à faire avancer ma réflexion et à préciser mes propos.

    Dans ce post, je réponds à Yannick Bourquin et à Episteme, qui soulèvent des questions très voisines. (en deux fois, car le système refuse les posts de plus de 4096 caractères)

    1. Utilisation et réalisme des modèles

    Un modèle est fondamentalement un discours de la forme « si [hypothèses] alors [conclusions] parce que [explication] ».
    Pour que ce soit autre chose qu’une construction intellectuelle arbitraire (comme un poème ou un roman), il faut qu’il existe des situations réelles où les hypothèses sont (à peu près) satisfaites. C'est ça que je voulais dire. Si les conclusions sont conformes à la réalité observée dans ces situations, on peut penser que l’explication est valide (non réfutée). ET en effet, elle conserve le statut d'hypothèse.

    Mais en effet, en toute rigueur on ne peutpas savoir par la simple observation si le modèle « correspond à la réalité ». On peut s’en assurer pour les hypothèses, pas pour la partie « explication ». Un point pour Episteme.

    A propos, j’ai trouvé excellent l’article de YB « Pourquoi les économistes utilisent-ils des hypothèses fausses ». Ma critique ne concerne pas ceux qui, comme YB, pensent qu’un modèle reposant sur des hypothèses fausses peut être une étape de la démarche qui conduira in fine à des conclusions justes, mais ceux (y'en a) qui pensent que, dans un modèle, des hypothèses fausses peuvent conduire à des conclusions justes, .

    « Le fait d'utiliser les mathématiques ou non ne présage rien de la justesse des hypothèses utilisées »
    Bien sûr, mais il suppose d’ajouter des hypothèses dont la justesse fait problème, d’autant plus qu’on ne se donne généralement pas la peine de les expliciter (exemples : continuité et dérivabilité).

    « La critique selon laquelle les modèles mathématiques ne représentent que des "robots" est facile à contourner : à chaque équation de comportement on ajoute une variable aléatoire et pouf vous avez du libre-arbitre. »
    En toute rigueur, on a du pseudo-aléatoire, ce qui n'est pas la même chose. Et les résultats du modèle deviennent alors aléatoires, donc au mieux approximatifs.

    2. L’économétrie et les mathématiques dans le contexte de justification

    OK sur l’utilisation de l’économétrie en contexte de justification – mea culpa. Mais d’une part il faut l’utiliser comme le dit Popper – elle peut réfuter mais pas prouver. Et d’autre part les conclusions d’une analyse économétrique n’ont pas la même validité que ceux d’une expérimentation contrôlée en physique, comme le relève Episteme.

    « pourquoi refusez vous d'utiliser les maths en contexte de justification quand celles ci nous modifient pas le discours, mais ne font que le clarifier et le simplifier »
    Je ne les refuse pas vraiment, mais je m’en méfie. En règle générale, elles modifient le discours, ne serait-ce que par les hypothèses implicites qu’elles nécessitent d’introduire et les simplifications auxquelles elles obligent. En la matière, je pense comme Marshall que la clarification est trompeuse, que tout ce qu’on gagne en rigueur, on le perd en pertinence, et qu’en économie, si in fine on n’arrive pas à exprimer en langage courant le résultat d’un raisonnement mathématique, ce raisonnement est très suspect.

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  21. La suite...

    3. Les limites de la démarche axiomatique

    "Si, d'après vous, il ne faut poser comme hypothèses de départ que des vérités irréfutables, on ne va pas aller bien loin !"
    Amha il faut distinguer différents types de « lois » : certaines ou hypothétiques, locales ou générales. La position autrichienne est qu’il existe des lois générales certaines qui résultent d’un raisonnement a priori (ce qui est différent de dire : toutes les lois de l’économie sont des lois certaines). Ces lois et leur étude forment ce que j’appelle « économique fondamentale » (Mises dirait « théorie économique » par opposition à l’économie appliquée qui est l’étude de phénomènes particuliers (Mises dirait « histoire économique »).
    Donc oui, en se limitant à l’économique fondamentale, on ne peut pas aller bien loin dans l’explication des phénomènes particuliers (encore que L’action humaine, qui est à mes yeux un livre d’économique fondamentale, fasse 850 pages bien tassées). Mais d’un autre côté, pour avoir une chance d’être valides, les hypothèses et les raisonnements d’économie appliquée doivent être cohérents avec les énoncés de l’économique fondamentale (condition nécessaire mais pas suffisante).

    « Si par exemple, vous supposez que l'homme est doué du libre-arbitre, vous ne pouvez plus rien dire sur l'action humaine puisque par définition le libre-arbitre pourra toujours faire mentir quelque énoncé que ce soit sur l'action humaine ! »
    Inexact. Il reste l’axiome de l’action lui-même. Et de toute façon, si on suppose que l’Homme n’est pas doué du libre-arbitre, tous les énoncés qu’on en déduit ont toutes chances d’être faux.

    Il faut bien voir que la thèse autrichienne pose dès le départ des constats (théorèmes) d’impossibilité à partir d’une réflexion épistémologique sur l’objet de la discipline économique. Elle dit par exemple qu’il est impossible d’exprimer les lois économiques sous forme numérique, de prévoir exactement toutes les conséquences d’une action ou d’identifier toutes les causes d’un phénomène. Elle en déduit des positions méthodologiques dont le dualisme méthodologique.
    Dire comme vous le dites qu’en appliquant ces positions méthodologiques, on ne peut pas faire ce dont la réflexion épistémologique dit justement que c’est impossible ne constitue pas une critique des thèses autrichiennes, mais un constat de leur cohérence (et non je vous l’accorde une preuve de leur justesse).
    C'est d'ailleurs pour cette raison que les discussions entre "orthodoxes" et "autrichiens" est souvent un dialogue de sourds : leur vrai différend porte sur ce qu'est l'économie, et non seulement sur telle ou telle proposition substantielle.

    « vous n'aurez pas souvent d'explications convaincantes d'un phénomène particulier, juste une série de théorèmes qui abstraitement sont vrais, et qui ne sont pas par ailleurs sans intérêt, mais qui ne peuvent permettre d'identifier les causes et les effets dans un cas particulier(qui implique d'abord une multitude d'autres phénomènes que ceux qui sont rattachables à des phénomènes élémentaires vrais a priori et ensuite une pluralité de causes qui, agissant en même temps, et selon une séquence aléatoire, peuvent avoir un tout autre effet que celui qu'on attend en analyse partielle. »
    Je suis pleinement d’accord. Mais pour les autrichiens, c’est une limitation intrinsèque à la nature de l'objet de la discipline économique (comme d’ailleurs de toutes les sciences de phénomènes complexes, par exemple la météorologie) que toute méthode doit reconnaître, et non une insuffisance propre à la méthode autrichienne

    « Le fait qu'il y ait une infinité de causes à l'action humaine n'est pas un problème insurmontable. »
    De toute façon, les autrichiens ne s’intéressent pas aux causes de l’action humaine, dont ils laissent l'étude aux psychologues (au sens large), mais à ses conséquences. (du moins quand ils agissent en tant qu’économistes – ils le font sûrement à d’autres occasions)

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  22. C'est à mes yeux une critique des thèses autrichiennes, parce que, comme vous l'avez déjà dit ailleurs, mais à propos d'autre chose, lorsqu'on aborde une théorie qui se veut scientifique, on se demande ce qu'on peut faire avec(son utilité). Et avec la théorie autrichienne réduite à sa méthode basique, on ne peut presque rien faire. On peut bien dire qu'on ne peut rien avoir de plus(soit dit en passant, c'est lors de l'établissement de vos ''théorèmes d'impossibilité'' que la déduction ne m'apparait pas cohérente ou transitive), mais c'est nier qu'il y ait tout un stock(croissant dans le temps) de méthodes disponibles, qui ne sont peut-être pas les plus sûres, mais qui permettent de tester de plus en plus efficacement des hypothèses. Imaginez si les météorologues s'étaient interdits la démarche hypothético-déductive sous prétexte que les phénomènes sont ''trop complexes'': ils auraient dû en toute rigueur cesser d'essayer de comprendre le phénomène. Pourtant aujourd'hui l'informatique permet de modéliser des phénomènes climatologiques sur mars avec succès.

    ''Mais d’un autre côté, pour avoir une chance d’être valides, les hypothèses et les raisonnements d’économie appliquée doivent être cohérents avec les énoncés de l’économique fondamentale''

    Il existe toute une gamme d'énoncés en science sociale qui sont indécidables dans la théorie autrichienne; c'est-à-dire qu'il est impossible de déterminer si, par déduction, on peut les retrouver en partant des énoncés de l'économie fondamentale(la votre). Dire que les énoncés utilisés en économie appliquée doivent être nécessairement cohérents avec l'économie fondamentale revient à bannir des énoncés souvent(toujours?) indispensables à la compréhension d'un phénomène humain en particulier.

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  23. @Episteme.
    Il faut compléter ce que j'ai dit dans ce fil en introduisant la distinction entre "économique fondamentale" et "économique appliquée" à laquelle je faisais allusion dans une réponse précédente à Amigues, en le renvoyant à cet article:
    http://gdrean.perso.sfr.fr/articles/roles%20eco.html

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  24. Merci, j'ai déjà lu cet article, et je n'ai trouvé rien qui puisse répondre de manière satisfaisante à mes critiques:

    La théorie autrichienne ne sert pas au fond à grand'chose, parce que, entre autres:
    -Elle se drappe dans des ''théorèmes d'impossibilité''(établis d'après une logique douteuse) qui l'empêchent de faire progresser les méthodes d'analyse.
    -Elle ne peut rien offrir d'autre que de l'analyse partielle, et là l'argument de la déconnexion avec la réalité se retourne contre vous.
    -Son économie appliquée néglige des questions cruciales pour l'analyse parce qu'elles ne sont pas solubles dans les axiomes de l'action humaine.

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  25. @Episteme
    Il me semble que nous sommes arrivés au bout de l'argumentation. Je ne vous ai pas convaincu. Vous ne m'avez pas convaincu. Tant pis.
    D'accord, la théorie autrichienne ne fait pas certaines choses que la théorie "orthodoxe" prétend faire. Mais en même temps, elle dit que ces choses sont impossibles et que tenter de les faire est une perte de temps, et une tromperie quand on prétend y avoir réussi.
    A l'inverse, quand il s'agit de production ou d'entreprise, les travaux les plus pertinents sont ceux qui sont cohérents avec les idées autrichiennes, même sans s'en réclamer explicitement.

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  26. ''Mais en même temps, elle dit que ces choses sont impossibles''

    Je crois que le point d'achoppement est là. La complexité de l'objet de la science économique ne rend pas pour moi ces choses ''impossibles'', mais seulement ''difficiles''(trivialement, parce qu'au fond c'est une proposition équivalente). Et j'ai beau lire et relire vos ''théorèmes d'impossibilité'' sous différentes formes(chez mises par ex.), ils sont toujours très loins de me convaincre.

    Bonne continuation.

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